Tous les ans le printemps vient nous surprendre. Imbolc avec ses crêpes rondes et jaunes symbolisant le timide retour du soleil inaugure la période pendant laquelle les jours rallongent imperceptiblement. Nous, humains des temps modernes, l’apercevons à peine. Pour nos ancêtres qui vivaient tous entassés dans un confort relatif alors que le froid et la nuit régnaient dehors, les tous premiers signes du printemps relevaient probablement bien plus d’importance.
L’Equinoxe de Printemps marque le franc renouveau des jours plus longs, de la nature qui sort de son sommeil en fleurissant les arbres et les prairies. A peine les jours commencent à rallonger que le processus accélère rapidement. Les bourgeons se multiplient, les troncs se couvrent de vert et toute la force de la terre se déploie pour inonder tous les espaces, qu’ils soient ruraux ou urbains (j’aime prendre des photos des fleurs qui se déploient dans une fissure de béton)… c’est un court moment l’arrivée des premiers bourgeons, la nuit de l’équinoxe est un espace entre deux respirations, une seconde d’équilibre entre deux versants de la même pente, il est le moment où nous sommes suspendus dans l’espace et le temps, très brièvement, la nuit et le jour parfaitement égaux. Mais rien ne reste statique dans notre monde alors à peine une seconde d’éternité l’équilibre parfait est maintenu avant que la course ne reprenne du côté de la lumière, nous ressentons très rapidement les jours rallonger et certaines après-midi prennent déjà un goût d’été. J’aime les temps suspendus, j’aime arrêter les instants qui sont toujours trop courts mais la nature, la vie, la terre, n’attendent pas que l’on soit prêts pour avancer.
Le cadre des rituels saisonniers qui marquent la tradition des prêtresses d’Avalon me permet de ne pas traîner en arrière, de ne pas rester attachée à un passé qui n’est déjà plus d’actualité. Je ne suis jamais prête à passer à la saison suivante car j’ai toujours le sentiment d’avoir perdu du temps, de ne pas avoir assez vu, assez senti… Me mettre l’obligation de suivre cette formation de prêtresse et de nous retrouver pour ces rituels me projette malgré mois dans chaque nouvelle saison. Nous avons commencé pour Samhain et nous voilà déjà presque au milieu du printemps.
Sans les étapes rituelles je n’aurais probablement pas autant conscience de la vie qui passe, du jardin qui se transforme, de la lumière qui s’éteint petit à petit et qui revient finalement rapidement. Les rituels donnent du sens et permettent de l’apprécier. Chaque petite heure fait partie d’une course sans fin autour du soleil, au milieu de cet univers immense. La vie passe plus vite que notre conscience et la cérémonie, en plus de rassurer par sa familiarité nous permet de nous rappeler à quel point chaque seconde est précieuse. Suivant la course infinie du soleil il nous met en scène et en communion avec ce vaste tout au milieu duquel nous pourrions être noyés sans en avoir conscience.
Ostara, équinoxe, un lien avec tous nos ancêtres vivant depuis des millénaires témoins du même phénomène, au-delà de la lumière que cela met dans notre existence, le rituel, aussi simple soit-il, nous assure un lien de continuité avec ceux qui sont passés avant nous quelles qu’aient été leurs croyances et leurs actions à ce temps de l’année, et nous inscrit à nouveau dans la continuité de l’histoire humaine.
Ostara, le temps d’être témoin du renouveau, le temps de se mettre en action après toute la réflexion sur l’Ombre que nous avons faite pendant les mois d’hiver. Le temps de se poser la question de ce que l’on désire et de planifier les prochaines étapes.
C’est la saison de l’ENCHANTERESSE. Dans les contes, l’enchanteresse est l’antithèse de la sorcière affreuse et méchante. L’enchanteresse est belle, séduisante, sexy, elle ne craint pas de laisser s’exprimer toute sa sensualité, de se trouver belle et de faire en sorte d’obtenir ce qu’elle veut. C’est la saison de la magie, celle où l’on effectue un rituel d’attraction qui permet de concrétiser ses désirs.
Quels sont ces désirs ? Voilà une question bien plus profonde qu’il n’y parait. Entre les injonctions à ne pas être égoïste, celles à ne pas trop sortir du cadre dans lequel on a été élevé, et l’habitude de beaucoup de femmes de faire passer les besoins des autres avant les siens, il s’avère que savoir ce que l’on désire vraiment est loin d’être aisé. Un de nos exercices pendant 6 semaines est d’écrire 10 désirs par jour, sans se censurer, sans se juger, juste pour voir ce qui peut émerger. On se rend alors compte que l’on ne sait pas, que l’on n’a pas d’idée, que l’on liste des « désirs » basiques que l’on retrouve dans tous les magazines, que certaines envies émergent accompagnées d’une grande angoisse et d’une immédiate réaction de « je ne peux pas, c’est impossible, je n’ai pas le droit ».
On apprend à créer un cercle de protection autour de nous pour faire notre rituel de manifestation pour cette saison de l’enchanteresse. La technique reprend des éléments devenus classiques dans la wicca, le paganisme moderne. La nouvelle tradition des prêtresses d’Avalon s’inspire de cette façon de faire devenue assez courante dans le monde anglo-saxon. De mon point de vue elle permet de donner une ambiance et une certaine gravité, de se mettre en condition de se concentrer et d’avoir l’impression de se retirer temporairement du monde « mondain ». Mais finalement le plus difficile réside peut-être dans le fait de savoir exactement quoi manifester. Qu’est-ce que je désire vraiment ? Qu’est-ce que je souhaite qui apparaisse avec toutes les conséquences qui y sont liées, est ce que je sais réellement trouver ce qui m’inspire vraiment, est ce que j’ose me l’avouer, m’y consacrer, l’attirer ?
Mes désirs sont-ils dictés par l’extérieur ? la mode ? les conventions de mon cercle social ? Ou à l’inverse sont-ils une réaction d’opposition ? Sont-ils plutôt liés à ce que je ne veux pas du fait de mauvaises expériences ou en réaction à un entourage qui a essayé de m’imposer des choses ?
Toutes les femmes de notre groupe semblent rencontrer les mêmes difficultés à savoir exactement ce qu’elles veulent, comme si nous sortions d’une longue période de sommeil engourdi pendant laquelle la question ne s’est jamais posée. Je sais que dans mon cas, j’ai une longue histoire pendant laquelle je me suis conformée à ce qu’on attendait de moi : sage, bonne élève, toujours gentille, répondant à toutes les demandes plus par habitude que par choix, retrouver mes vrais désirs représente un défi que j’ai déjà commencé il y a plusieurs années. Ce chantier est si compliqué que je me retrouve encore en réelle difficulté lorsque je dois écrire mes souhaits. M’inscrire à ce cours de prêtresse était pourtant une de ces réussites que je me serais refusées quelques années auparavant, de peur que ce ne soit vraiment pas assez conventionnel. Seule la pratique nous aide cette saison : qu’est-ce que je veux ? qu’est-ce que j’aime assez pour vouloir en avoir dans ma vie ? qu’est ce qui m’inspire ? Et suspendre la petite voix qui nous dit que l’on n’a pas le temps, pas les moyens, pas la volonté, pas l’intérêt….Profiter avant que les contraintes se multiplient avec la fin de l’année scolaire d’écrire sans jugement et de choisir librement dans la liste ce que nous appellerons à nous mi-avril, à la fin de la saison de l’enchanteresse.
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